Dimanche, il faisait beau. A Deauville, les gens ont même sorti leur maillot de bain pour profiter du début des vacances du printemps. A 8h20, rendez-vous Gare Saint-Lazare. Avec une copine, on s’est offert un week-end de dépaysement courtoisie de la carte 12-25. En plein mouvement social on a trouvé pertinent de faire une sieste au bord de la Manche.
C’était notre première fois, on n’avait jamais mis un seul pied en Normandie. Pour nous c’est le « Noooooord » ! (Encore plus pour moi). On voulait aller voir ce que les Parisiens font le weekend, enfin, certains Parisiens. Je n’avais jamais vu autant de pouvoir d’achat agglutiné sur la même plage. A 8H50, le train est parti en direction de Deauville-Trouville. Dès le train, on a eu un petit aperçu de la faune « parisideauvilloise ». Avec la veste de ma voisine j’aurais pu payer trois loyers, mais ce n’est pas la question. On est arrivé vers 11h.
On a décide de visiter Trouville. On sentait la brise de la mer, les mouettes assassines planaient sur nos têtes (j’ai peur des oiseaux) et les familles préparaient leur repas du dimanche dans le marché . « Oh mais on n’a rien à bouffer on a juste acheté du poisson », dit une humble dame dont les frêles épaules étaient à peine couvertes d’une fourrure. La découverte du marché nous a ouvert l’appétit, on voulait s’installer sur la plage de Trouville pour prendre notre déjeuner directement importé de Paris.
Made in France
Les restos au bord de la plage n’étaient pas dans le planning. Mais moi j’avais froid, j’avais regardé la météo, une robe allait faire l’affaire, en plus on allait à la mer. Parfois je suis bien trop naïve, l’achat en urgence de leggings s’imposait. Pour 5 euros j’ai eu des leggings « Made in France », qui l’eut cru. En même temps ça n’aurait pas dû me surprendre, plus tard j’allais entendre une petite conversation:
-«Maman tout est écrit en français. »
-« Heureusement ma chérie on est bien en France n’est-ce pas ? »
Oh oui on était bien en France, le nombre inestimable de mocassins et de polos bleu marine le confirmait. Je reviens à notre petit pique-nique. Devant la Manche et sous le soleil, on a dévoré tout ce qu’on avait emmené. Digestion et sieste. Les sept enfants qui jouaient à côté avec le sable n’ont pas pris en considération notre excès d’activité et ma copine n’a pas manqué de le faire remarquer.
Etude sociologique et anthropologique
Le meilleur restait à venir. Deauville c’est quelque chose, c’est Trouville puissance deux. On aurait pu choisir n’importe quelle voiture de luxe pour se faire écraser. Le duo de choc s’est promené tout en faisant une étude sociologique et anthropologique de ceux qui fréquentent cette plage. Quand je ris je ne suis pas discrète mais là c’était encore pire. Les commentaires de ma copine, que je ne répéterai pas, de peur de choquer les lecteurs avec le ton très politiquement incorrect, me faisaient crier de rire. Tout ce médire nous a assoiffé.
On est allé en quête de journaux, magazines féminins et une terrasse. Une fois les trois trouvés, on s’est posé pendant un bon moment pour couronner notre petite escapade. Avant d’aller à la gare on est parti faire un dernier tour à Trouville. J’ai esquivé une dangereuse mouette, on a respiré l’air salin et on a vu les lumières du Casino s’allumer.
Lisieux
Tranquillement, on a voulu rejoindre la gare qui n’est qu’à quelques pas. Au loin, on voit un amas de gens devant les portes fermées de la gare en question. Inquiètes, on se regarde. Et là je commence à déballer mes grandes phrases de mystique : « Je le savais, j’avais un mauvais pré-sentiment, en plus je l’ai dit hier soir ». Deux agents de la SNCF, aussi non chalants que d’habitude nous ont dit : « On fait grève mais il y a un train qui part de Lisieux à 8h36 ». Il était presque 8h et cette ville se trouve à 45km de Trouville-Deauville. « Comment on y va ? » « Par vos propres moyens ». Si on est venu en train c’est parce qu’on n’a pas de moyens %*$!!!!! (insérez ici l’imprécation de votre choix).
Et c’est là où notre ange de la soirée rentre en scène. Micheline, une petite dame aux cheveux courts et déjà très blancs, nous a approchées. « On prend encore une personne dans le taxi », a-t-elle dit. Mais on était deux, elle a dit que ce n’était pas grave, qu’on s’entasserait. Nous nous sommes éloignées de la porté bloquée par des agents, qui n’avaient pas l’air de savoir pourquoi ils faisaient grève. « On suit des ordres », ont-ils déclaré.
Nous, nous avons suivi Micheline. Quelques minutes après, on a vu un taxi s’approcher, les personnes qui devaient voyager avec Micheline se sont ruées sur le véhicule en nous laissant perplexes et sans issue. Le taxi est parti. Heureusement, notre nouvelle amie a sorti son téléphone portable et a appelé son frère.
Michelin
On va l’appeler Michelin, on n’arrive pas à se souvenir de son prénom. Très vite, Michelin est arrivé à la rescousse de sa sœur et des deux inconnues. Il était déjà 8h passées et on devait être à Lisieux à 8h36. Notre sauveur n’est pas un coureur de F1. On a cru qu’on n’allait jamais y arriver. Dans la voiture, on a fait les présentations, mais on était surtout attentifs à la route et à l’heure.
On n’arrêtait pas de se demander ce que les autres voyageurs désemparés aller faire et si les agents de la SNCF allaient survivre à la foudre des usagers une fois de plus piégés. Grâce à Michelin, on a pu être à l’heure. Quand le TGV en provenance de Caen est arrivé, Micheline est allée en première classe, nous, nous avons pris place dans notre wagon. Dans le train, il n’y avait pas foule, les autres ont dû rester à Deauville.
Après 14 jours de grève le mouvement s’essouffle. Avec ma copine, on se demande toujours comment on peut dire à des voyageurs qu’il n’y a aucun train qui part sans distribuer de tracts et sans pouvoir expliquer clairement pourquoi un train ne peut pas parcourir 45 km alors que l’autre qui doit faire la correspondance roule normalement. Bienvenue en France.
(20/04/2010)
Une réflexion sur “Le 21ème arrondissement de Paris”