« La pauvreté ». Je vous avais déjà raconté l’histoire d’un de mes élèves. Il s’appelle Ajel et ses parents sont nés au Sri Lanka. Aujourd’hui, on faisait un cours sur George Washington, le premier président des États-Unis.

On a étudié sa biographie et dans quelle mesure il avait contribué à l’indépendance de ce pays. Il avait l’air de tout très bien comprendre jusqu’à ce qu’il me demande : « Madame, c’est quoi l’indépendance ». « C’est la pauvreté non ? », a-t-il répondu à sa propre question. Je n’ai pas pu m’empêcher de rire. En un mot il avait résumé en partie une situation tellement complexe.

J’étais complètement déstabilisée. Déjà par la question, par sa réponse et par le fait de devoir expliquer un processus d’indépendance à un garçon de 15 ans dans un temps aussi limité, comme on explique la conjugaison au futur en anglais.

De la pure improvisation

D’autant plus que chaque processus a sa spécificité propre. Je lui ai concocté une explication express du concept d’indépendance que n’importe quel philosophe ou historien aurait trouvé dérisoire. J’ai pris l’exemple des États-Unis et le contrexemple le plus caricatural : l’Afrique.

Cette année, on fête les 50 ans d’indépendance du continent africain. On fait des bilans, on se désole, ou on se félicite, on dit que les pays sont jeunes et que l’apprentissage de la démocratie est en cours. Mais pourquoi aller voir aussi loin ?

Une longue série d’indépendances

J’aurais pu lui donner l’exemple de mon continent où on attend encore la deuxième indépendance. Comment lui dire qu’il a tort et qu’il a aussi complètement raison ? Je ne l’ai pas fait, je me suis assurée qu’il comprenne ce que l’indépendance est, en théorie, et qu’il comprenne ce que M. Washington a fait pour son pays. J’aurais pu mieux faire.

Au retour, je me suis demandée pourquoi il n’avait aucune notion de l’indépendance. Je suis revenue sur ma propre éducation. Depuis toute petite on m’a fait apprendre l’histoire de l’indépendance du Mexique, après celle du Honduras. Plus tard, j’ai eu droit à l’histoire de la décolonisation des pays africains, puis l’indépendance du monde indien de la couronne britannique et je vous en passe. Comment peut-on ignorer à 15 ans ce que c’est l’indépendance ? Surtout qu’à cet âge on en rêve.

(08/05/2010)