
Que des découvertes ! Dans le cadre de la couverture du Festival Interceltique, je me suis rendue, avec tous mes collègues, au port de pêche de Lorient. Après une sieste de deux heures, je suis arrivée au port à 2h du matin. « Couvrez-vous ! », nous avait-on dit. Eh bien, il fallait être plus précis.
Pendant toute la semaine, on s’était plaint du froid, du vent et de la pluie. Mais rien ne nous avait préparés à la température des chambres froides du deuxième port de pêche de France. On s’est bien habillé mais, on ne savait pas qu’il fallait se munir de bottes, d’un hanorak et d’un bonnet. Ah si on avait su…
La danse des navires
Au petit matin, un après l’autre, les navires déposent leur cargaison. Des langoustines, des tourtereaux et des poissons de toutes les tailles trouvent leur place dans des bacs bleue et jaune pour être vendus par la suite.
La visite ne faisait que commencer. Prochaine étape : la première chambre froide. Des poissons attendaient déjà les acheteurs. Il suffisait de sentir, pour savoir qu’il y avait des poissons de l’autre côté de l’immense porte en métal. Elle s’est ouverte.
Quel spectacle ! Ce n’est pas comme si je n’avais jamais vu une poissonnerie mais là, c’était tellement différent. D’abord par la quantité, et ensuite par la sensation. Je ne sais pas si c’était la fatigue ou le froid mais j’avais de mal à supporter l’odeur. J’ai lutté contre moi-même, mon honneur était en jeu. Finalement, j’ai réussi à maîtriser mon estomac. Mais ma pâleur me trahissait.

La criée qui ne crie pas
Troisième étape : la criée. Pour arriver jusqu’au lieu de vente du poisson, il faut encore traverser des pièces immenses (et froides). Après un parcours dans le labyrinthe du port, on s’est rendu à la vente.
Il y avait des tribunes comme pour assister à un match, un énorme écran où les fluctuations du prix du poisson s’affichaient et des acheteurs extrêmement silencieux. Pour une criée ça ne crie pas beaucoup. Avec l’informatique, le crieur-celui qui annonçait les prix-n’a plus besoin de se déchirer la voix.
Les acheteurs n’ont des yeux que pour le poisson. Les langoustines défilent sur une bande et si elles plaisent aux clients, ils appuient sur un bouton. Tout est anonyme. Personne ne sait qui a acheté quoi et en quelle quantité. Après la vente, place à une rencontre mémorable.
Une femme exceptionnelle
Angèle Bergelin est la patonne du port de pêche, cette femme doit diriger cet univers d’hommes d’une main de fer. Elle est grande, souriante et énergique. Elle parcourt les différentes chambres froides comme si de rien n’était. Ma mission était de la suivre et de l’interviewer. Une copine m’a accompagné, pour savoir à quel point on était ridicules, à côté de cette dame, il faut savoir que:
On était toutes petites à côté d’elle
Ma copine portait des ballerines en imprimé de léopard et des leggings
Moi, je portais un foulard bleu avec des petites fleures et des baskets assorties au foulard
Dans ce monde très peu féminin, on était presque comiques. Le petit sourire en coin d’Angèle en témoignait. On a passé plus d’une heure avec elle, et on a appris les petits et les gros secrets du port. Elle est très sollicitée et elle ne pouvait pas nous consacrer plus de temps. Angèle nous a confiées à un de ses collaborateurs les plus proches.
Le corps fatigué et l’esprit comblé…
Il nous a montré la criée hauturière. C’est-à-dire, la vente de poisson industriel. C’est plutôt les grandes surfaces de tout le pays qui achètent, parfois en ligne. C’était parti pour un nouveau cours de vente de poissons. En un tour de main, Daniel nous a expliqué les dessous de cette vente qui est très technique et précise.
A 7 h du matin, on a quitté les lieux, le soleil s’était déjà levé. Le corps fatigué et l’esprit comblé ,on s’est traîné jusqu’à notre logement. Les festivaliers avaient abandonné les rues. Les cadavres de bouteilles étaient en train d’être balayés. Les boulangers ouvraient boutique. C’était le début de la journée la plus longue et la plus riche de mon festival.
(18/08/2010)